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ÀAmsterdam. (Photos de Sam Elony)

Des bonnes adresses, des photos et l’histoire de Camille à découvrir dans la rubrique PAGES.

CAMILLE À AMSTERDAM 18.

Publié par Anonyme in L’HISTOIRE DE CAMILLE.

Comme les néerlandais n’ouvre pas facilement leur porte, je prends les devants et propose, à Luuk, un dernier verre chez moi. Un café, pour être plus exact. Il est 16 heures…

Je sors des serviettes éponges afin de nous sécher puis j’ouvre l’ordinateur. 

Mon chevalier servant veut voir mes photos.

_ Les contrastes sont poussés, autant dans les noirs et blancs que dans la couleur.

_ Tu n’aimes pas ? fis-je, un peu sur la défensive.

Dévoiler son travail n’est jamais facile. Je gère mes propres doutes sur ma manière de faire mais j’appréhende l’œil neuf qui pourrait les renforcer.

_ Au contraire, me rassure-t-il. Mais c’est étonnant. 

_ Pour quelles raisons ? 

_ Ta quête d’authenticité relationnelle semble aller à l’encontre de ce processus d’enjolivement. 

Je ne réponds pas et Luuk fait défiler les images. Un détail l’interpelle.

_ Tu légendes tes clichés ?

_ Parfois. J’aime les mots, également. Je pense qu’un jour je vais sauter le pas et tenter d’écrire un roman.

_ J’ai rencontré une artiste, se moque-t-il.

Cependant, je remarque qu’il revient sur son visage immortalisé lors des dernières fêtes de la reine

_ « La terre d’éphélide où pleure un saule d’automne »

Sans ces mots en mémoire, je n’aurais rien entendu à son français.

_ Qu’est ce que cela veut dire ? 

Tant bien que mal, j’essaie de traduire ma pensée en anglais.

_ En fait…, tes boucles rousses retombent souvent sur ton visage aux taches de rousseurs et…, ça me fait penser à ces arbres dont les branches plongent…, en même temps, je ne suis pas certaine que ces saules pleureurs prennent un feuillage d’automne… 

Ma tentative de traduction le laisse dubitatif.

_ Plus simplement, gloussé-je, ces mots traduisent ma fascination pour ta beauté.

_ Attends de me voir sans vêtements. 

 

Son corps est mince mais musclé. Pas un gramme de graisse ne vient contrarier cette silhouette élancée où les abdominaux prédominent, sollicités sans cesse par la toux. Le manque d’oxygène, cependant, oblige l’homme à trouver la meilleure posture pour mieux respirer. Ce qui, peu à peu, déforme son squelette. Esthétiquement, ce ne sont que des détails physiques, comme d’autres ont une jambe plus courte, un soupçon de bedaine ou une tache de naissance sur la peau. Je n’y attache pas d’importance. Faire corps avec lui est une autre affaire. 

Au dessus de la poitrine, une chambre est implantée sous son épiderme pour recevoir l’aiguille des perfusions antibiotiques qui, parfois, deviennent nécessaires. 

_ A quels moments ? ai-je demandé à ce propos.

_ Tu le sauras bien assez tôt. 

En attendant, mes caresses évitent ce tertre, craignant la maladresse ou l’étrange sensation, l’embarras.

Je ne suis pas plus à l’aise dans la chorégraphie. 

Me poser sur son corps pourrait couper sa respiration, la cadence lui faire perdre son souffle… S’il vient à tousser, dois-je tourner la tête, m’asseoir sur le bord du lit ou fumer une cigarette dans la cuisine ? 

_ Laisse moi faire, susurre-t-il à mon oreille. 

Un bon conseil. Après ça, tout m’est apparu beaucoup plus simple. 

 

Quelques secondes après notre jouissance commune, Luuk est pris d’une quinte de toux dont je ne soupçonnais pas l’ampleur. Instinctivement, je me lève et passe dans l’autre pièce. 

Pas d’infirmière, pas de maman, a-t-il précisé.

Ok. Je vais allumer une… Pas de cigarette, idiote. La fumée risque de l’incommoder d’avantage. Soudain, le silence revient. J’attends quelques secondes et je regagne la chambre.

_ Y’a quand même une chose qui cloche, annoncé-je alors que ma joue retrouve la peau douce de son épaule.   

_ Plus d’une, ironise-t-il.

Cet remarque m’indispose et je me tais. 

Allons nous rire de tout ? 

L’humour morbide sera-t-il de la partie ? 

Certainement.   

 

_ Qu’est ce qui ne va pas ? enchaîne-t-il à l’aide d’une pression rassurante de sa cuisse contre la mienne.

_ Eh bien…, on a presque 40 ans, tous les deux, et on n’est toujours pas casés. Tu trouves ça normal ? On devrait avoir des enfants…

_ A ce propos, si notre histoire continue et devient sérieuse, sache que les hommes atteints par la mucoviscidose sont stériles. 

Aux pays des apparences, je ne suis plus la bienvenue. 

_ Pour tout te dire, j’étais persuadé de mourir à 25 ans, balance-t-il sans plus de tact. Ne me demande pas pourquoi, c’était comme ça. En réaction à ce future qui  n’en était plus un, j’ai profité de la vie au maximum. J’ai bu, j’ai couché avec des filles, avec des mecs, j’ai partouzé.   

Aucun effet manche dans son discours et pas de raison d’en douter, une fois encore. 

_ Mais il faut croire que la faux de la mort s’est coincée dans les branches de l’arbre sous lequel je passais. Je suis toujours là. En sursis, mais bien présent. 

Il bouge et m’oblige, ainsi, à me redresser du lit.

_ Tu entends bien, Camille ?

Son visage, son regard et le ton de sa voix ont fait reculer les dernières traces d’insouciance en moi. Le choix est encore possible à cet instant. Le quitter, maintenant. 

Ou jamais.

_ Dans tout ce que je viens de te dire, il y a des mots clés que tu ne dois pas occulter.

_ Je suis une grande fille, fais moi confiance…

 

Nous avons fait l’amour une deuxième fois mais Luuk n’est pas resté pour la nuit. 

Les soins du soir, ceux du lendemain matin…

Il est rentré chez lui.

 

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